Les travaux de la convention

L’aménagement du territoire est l’un des dix champs de compétences de l'établissement public territorial Est Ensemble. C’est également une thématique qui intéresse les participants de la Convention. Lors des speed dating de la deuxième session, ils avaient eu l’occasion d’échanger avec des acteurs de l’habitat et de la rénovation urbaine du territoire. Pour mieux comprendre les innovations en matière d’aménagement durable et les leviers d’action pour s’adapter aux changements climatiques, Delphine Gemon, responsable du pôle approche environnementale de l'aménagement d’Est Ensemble nous apporte son éclairage.

 © Est Ensemble

Quelques mots pour vous présenter : 

Urbaniste-géographe de formation, j’ai toujours été sensible aux enjeux environnementaux, c’est pourquoi je me suis tournée vers l'aménagement durable. Au sein de la direction de l’environnement et de l’écologie urbaine d’Est Ensemble, je suis responsable du pôle “approche environnementale de l’aménagement”, dont le rôle est de faire le lien entre les enjeux d’écologie urbaine et les projets d'aménagement et de renouvellement urbain. Le pôle travaille avec les directions opérationnelles qui réfléchissent et construisent la ville de demain afin de prendre en compte les défis en matière de transition écologique et de santé. 

Quelles sont les caractéristiques spécifiques du territoire ? 

Notre territoire est le deuxième plus dense de la métropole après Paris. Pour répondre aux besoins croissants de la population, le rythme de nouvelles constructions y est très rapide, ce qui induit inévitablement des pressions sur l’environnement urbain que nous devons tenter de minimiser. L’enjeu est d’autant plus fort que nous observons déjà un manque d’espaces de respiration, un accès aux transports en commun ou aux services inégal selon les endroits, couplés à de nombreuses situations de précarité, en particulier énergétiques. Le territoire concentre par ailleurs des problématiques environnementales majeures, du fait de son histoire industrielle, comme la pollution et l’appauvrissement des sols. Il est également longé ou traversé par des infrastructures routières lourdes comme le périphérique, l’A3 ou l’A186 qui connaissent un trafic très dense, ce qui entraîne des pollutions atmosphériques et des nuisances sonores. 

Pour proposer une méthodologie et des outils qui prennent mieux en compte le confort, la santé, la mobilité, les ressources, la biodiversité, et les sols dans la conception des projets dans nos neuf villes, le Conseil de territoire a adopté le référentiel pour un aménagement durable. Ce dernier a en partie été décliné dans le PLUI (plan local d'urbanisme intercommunal) qui fixe les règles et oriente l’évolution des paysages urbains de tout notre territoire. Le PLUi comprend ainsi des exigences fortes en faveur de la préservation du patrimoine arboré, des espaces végétalisés ainsi que des niveaux ambitieux de performance énergétique des constructions neuves et de la rénovation.

Quels sont les défis d’Est Ensemble en matière d’aménagement durable ?

Notre mission est d’aménager le territoire de façon à répondre aux besoins des habitants : logement, transport, développement économique, espaces verts, équipements indispensables pour améliorer le cadre de vie, tout en répondant aux enjeux du changement climatique (sobriété énergétique, lutte contre les îlots de chaleurs urbains, gestion raisonnée de l’eau…) et en améliorant la résilience territoriale, c’est-à-dire la capacité d’adaptation du territoire au changement climatique.  

C’est un véritable défi car les villes d’Est Ensemble sont déjà très urbanisées, l’espace manque et il faut souvent faire des choix difficiles, quand il s’avère impossible de répondre à tous les besoins et enjeux sur un espace limité. Il s’agit de trouver un équilibre entre les différentes politiques publiques pour faire en sorte que les nouvelles constructions engendrent le moins d’impact possible sur l’environnement et soient même l’occasion d’améliorer l’existant. Cet équilibre est également à construire en maîtrisant les dépenses de la collectivité, dont toute augmentation pèse sur les impôts locaux des habitants.

En somme, besoins, climat et finances sont les données qu’il faut réussir à concilier dans tous les projets d’aménagement.

En quoi l’aménagement durable est un levier d’action pour s’adapter aux changements climatiques et améliorer le cadre de vie ?

Intégrer les enjeux climatiques dans les processus d’aménagement du territoire c’est d’abord une obligation règlementaire mais aussi une vraie nécessité pour la viabilité de notre environnement. En ce sens, nous poursuivons simultanément plusieurs objectifs :  

• la création d’espaces de nature et de biodiversité au sein des opérations d’aménagement et de renouvellement urbain sur le territoire, 
• le développement d’espaces de gestion des eaux de pluie à la parcelle : l’objectif est de laisser le sol s’imbiber d’eau et jouer son rôle de filtration afin que l’eau rejoigne les nappes phréatiques et ne soit pas systématiquement renvoyé vers les réseaux d’assainissement,
• l’aménagement de quartiers favorisant l’utilisation des modes de déplacement actifs et non polluants pour donner envie aux populations de privilégier la marche à pied ou le vélo notamment,
• la prise en compte des spécificités climatiques de chaque site (ensoleillement, vent) pour aménager des espaces les plus agréables possible,
• l’utilisation de matériaux qui ont moins d’impact sur le réchauffement climatique, comme les matériaux biosourcés et géosourcés (bois, chanvre, béton de terre), 
• le choix d’utiliser des matériaux issus du réemploi et du recyclage dans les nouvelles constructions, notamment en valorisant les produits des déconstructions,
• la réduction des consommations d’énergie, via l’isolation des logements, le raccordement des nouveaux projets aux réseaux de chaleur et par le développement de solutions d’énergie renouvelable associées aux constructions ;
• la mise en valeur des friches en attente d’aménagement grâce à une politique de soutien à l’urbanisme transitoire pour faire vivre ces lieux en y proposant des animations et des services pour les habitants.

Enfin, nous profitons des nouveaux projets urbains pour imaginer des solutions permettant de limiter l’exposition des populations à la pollution de l’air et aux nuisances sonores. Cela passe notamment par des mesures d’apaisement des quartiers pour limiter le trafic automobile ou par la mise en place d’un urbanisme faisant barrage aux polluants atmosphériques par exemple.  

Pourriez-vous partager des exemples de projets en cours en matière d’aménagement durable ?

L’un des chantiers qui nous occupe en ce moment est celui de la prise en compte des enjeux de santé dans les projets. Nous réalisons des mesures de qualité de l’air ou de niveaux de bruit grâce auxquelles nous définissons ensuite des recommandations pour les opérations d’aménagement dans le but d’améliorer la qualité de vie des habitants. Nous le faisons notamment dans les secteurs de la porte de Bagnolet et du pont de Bondy, et plus globalement dans l’ensemble des projets de renouvellement urbain, qui sont particulièrement exposés. 

Nous travaillons également au développement de projets d’agriculture urbaine car ils participent à la fois à créer des espaces de nature dans les opérations d’aménagement, mais aussi à sensibiliser les populations aux enjeux d’alimentation durable. Ce sont souvent des projets portés par des associations qui sont aussi l’occasion de recréer du lien social dans ces quartiers. C’est le cas de la ferme urbaine à Montreuil dans le quartier de La Noue par exemple. 

Sur le sujet du réemploi des matériaux, nous menons des expérimentations pour réemployer les matériaux issus des démolitions dans le cadre des nouvelles constructions. L‘une des opérations tests en cours a lieu à Romainville dans le cadre du projet de renouvellement urbain Youri Gagarine. Une partie du béton des façades des immeubles qui vont être démolis va être réutilisée en tant que pavés dans les espaces publics du futur quartier. 

De manière générale, nous repensons chaque projet en termes de renaturation*, car cette question est de plus en centrale, et nous l’avons notamment vu dans le contexte de crise sanitaire qui a renforcé la demande des habitants pour des espaces de respiration à proximité de chez eux. Nos analyses sur la faune, la flore, la biodiversité dans les quartiers visent à mieux prendre en compte cette demande. 

*Opération permettant à un milieu modifié et dénaturé par l'homme de retrouver un état proche de son état naturel initial.